Les ordures d'origine électronique atteignent un niveau record
Le rapport annuel de l'ONU sur les déchets électroniques est publié en juillet. Le document met en lumière un bien triste record : le monde a jeté 53 millions de tonnes de débris électroniques – du jamais vu – en 2019. Cela représente un bond de 20 % en cinq ans, un rythme qui devrait s'accentuer dans les prochaines années.
Dans les faits, la production de déchets électroniques a progressé de 13 % de plus que le PIB et trois fois plus vite que la population durant ces cinq dernières années.
L'organisation s'attend à ce que la barre des 74 millions de tonnes soit franchie dès 2030, soit le double des volumes observés en 2014.
Des lacunes évidentes dans le traitement des déchets électroniques
Ce fléau intrinsèquement lié à la consommation en masse de produits high-tech et la généralisation de l'obsolescence programmée des appareils électroniques inquiète l'ONU.
Le compte-rendu note l'absence ou le manque de mesures de tri et de traitement des déchets, avant qu'ils soient brûlés ou déversés et polluent eau, air et terre.
Seulement 17 % de ce total, soit 9 millions de tonnes, ont rejoint une filière de recyclage avant d'être détruits. Le reste a été jeté tout simplement, sans considération aucune des substances dangereuses ou rares qui s'y trouvent.
Ainsi, ce sont pas moins de 50 milliards d'euros d'or, de platine, de cuivre et autres métaux rares qui sont mis à la poubelle.
L'ONU déplore aussi la présence de composants nocifs dans ces ordures ménagères, surtout du mercure, à raison de 50 tonnes, et du plomb.
Les pays d'Asie contribuent à hauteur de 25 millions de tonnes dans ces déchets, suivis de l'Amérique du Nord, 13 millions de tonnes et de l'Europe. L'Afrique et l'Océanie ont produit « seulement » 2,9 et 0,7 millions de tonnes d'ordures électroniques.
Rapportée au nombre de consommateurs par continent, l'Europe arrive en tête des plus grands producteurs de déchets, avec 16 kg par personne, talonnée de près par l'Océanie.
L'Amérique et ses 13 kg par habitant complètent le podium.
Responsabiliser les producteurs
Limiter l’augmentation des DEEE (Déchets d’équipements électroniques et électriques) est une véritable urgence mondiale. Selon les dernières projections du WEE Forum, le monde devrait produire 57,4 millions de tonnes de ces déchets en 2021.
Les experts estiment que la production mondiale de DEEE croît de 3 à 4 % chaque année.
On peut aussi critiquer les pratiques peu éthiques des fabricants, qui limitent volontairement les options de réparation.
Pendant longtemps, Apple remplissait toutes ces cases avec ses appareils « de courte durée », sa volonté d’imposer une culture du jetable et, surtout, son programme de réparation indépendant, difficile d’accès à tous ses clients.
La marque à la pomme a fait un effort considérable sur ce dernier point. Elle vient d’officialiser le lancement du Self-Service Repair. Ce programme permet aux utilisateurs de réparer eux-mêmes leur iPhone, en commandant des outils et des pièces de rechange auprès des fournisseurs partenaires de la marque.
Une nécessaire évolution réglementaire
Pour faire face au « tsunami de déchets électroniques » évoqué par le Programme des Nations Unies pour l’environnement en 2015, les États imposent de nouvelles règles aux équipementiers. La France est pionnière dans ce domaine, grâce à son Indice de Réparabilité.
Depuis janvier 2021, les tondeuses à gazon électriques, les téléviseurs, les ordinateurs portables, les smartphones et les lave-linges à hublot sont concernés par cette mesure.
Cet indice constitue une des dispositions phares de la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire).
Pour compléter le dispositif, l’indice de durabilité, un autre score plus complet, sera mis en place à partir de 2024.
L'ONU sensibilise les producteurs et les gouvernements
Le sous-secrétaire général de l'ONU, David Malone, alerte l'opinion sur la gravité de cette surproduction d'ordures solides d'origine électronique.
Ces détritus sont responsables de 98 millions de tonnes d'émission de gaz à effet de serre en 2019.
Une gestion responsable et durable de ces e-déchets soulagerait, du moins en partie, la pression très forte exercée sur la santé humaine et sur l'environnement.
David Malone en appelle alors à une prise de conscience des producteurs, des consommateurs et des sociétés de recyclage, qui doivent tous faire des efforts en faveur d'un traitement plus écologique des équipements électroniques.
Les initiatives responsables, comme celle de l'Institut supérieur coréen de science et de technologie, sont vivement encouragées. La KAIST affirme avoir développé un procédé novateur d'extraction de l'or dans les déchets EEE.
Sa trouvaille repose sur un polymère baptisé COP-180, lequel serait capable d'absorber de grandes quantités d'atomes d'or et d'autres métaux.
L'institut coréen parle d'un taux de capture de l'or allant de 94 à 99 % en une demi-heure seulement. Le polymère COP-180 serait d'ailleurs peu coûteux - 4,41 €/g -, pour une capacité de capture de 56,5 € en or.
Utilisé à grande échelle, ce procédé pourrait réduire l'exploitation des métaux rares et de l'or, grâce à une plus grande valorisation des composants recyclés.
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