La France traduite en Conseil d’État pour inaction climatique
La commune de Grande-Synthe et son ancien maire sont l’initiateur de cette procédure dont l’issue constitue aujourd’hui une première. La plus haute juridiction administrative du pays est ainsi l’arbitre du long contentieux opposant cette municipalité et son ancien maire d’un côté, et de l’autre des décisions émanant des dirigeants de la République, notamment le Président de la République, le Premier ministre et le ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire.
Les prémices de l’affaire remontent à la fin de l’année 2018, lorsque la commune de Grande-Synthe et son maire sollicitent la mise en place d’une stratégie supplémentaire pour diminuer les émissions de GES en France afin de se conformer à ses engagements climatiques.
Leur recours est adressé au Président de la République et au Gouvernement. Suite à l’absence de réponse, considérée comme un refus, les requérants se tournent alors vers le Conseil d’État.
Leur objectif est simple : obliger par voie légale l’exécutif à prendre des mesures visant à atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES de - 40 % en 2030 par rapport à 1990, un défi d’ailleurs instauré au titre de loi par le Législateur en France.
Une requête formée de 3 demandes
Dans ce contentieux l’opposant aux autorités, la commune de Grande-Synthe et son ancien maire sont accompagnés d’autres requérants, à l’instar des villes de Grenoble et de Paris, ainsi que des organisations Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot, Oxfam France et Notre affaire à tous.
Ces entités réunies sont signataires de la requête constituée de 3 demandes principales soumises à l’appréciation du Conseil d’État :
- ordonner que soient effectuées des actions législatives et réglementaires pour que la « priorité climatique » devienne la principale préoccupation nationale.
- sommer l’État de mettre en œuvre dans l’immédiat des mesures adaptant les Français au changement climatique dans leur pays.
- intimer l’État de prendre toutes les mesures utiles permettant de réduire la courbe des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national afin que les engagements de la France soient atteints.
Un verdict historique
Préalablement à sa décision, le Conseil d’État informe de la recevabilité de la requête, notamment en raison du requérant principal, la commune de Grande-Synthe, une municipalité soumise à une forte exposition aux effets du changement climatique.
La présence des autres requérants dans la procédure est également recevable, hormis celle de l’ancien maire de la commune.
Le Conseil d’État rejette les deux premières demandes, mais la troisième est quant à elle considérée comme une première dans l’histoire. Si aucune décision définitive n’est pour le moment statuée autour de la question, le Conseil d’État demande au Gouvernement de clarifier son opposition à une prise de mesures utiles pour réduire les émissions de carbone.
Cette justification de la part des autorités est nécessaire afin de permettre au Conseil d’État de se prononcer définitivement sur la requête.
Contentieux climatique : les gouvernements déboutés dans les cours et tribunaux
Dans un délai de 3 mois, l’exécutif français devra se justifier face au Conseil d’État. Cette situation est considérée comme exceptionnelle pour plusieurs ONG œuvrant dans la préservation de l’environnement ainsi que pour de nombreux observateurs.
L’État est ainsi en quelque sorte soumis à une obligation de résultat quant à ses actions, ses choix et leur portée autour des questions climatiques.
Cette première en France est dans la tendance même de ce qui se passe chez les pays voisins quand un contentieux sur fond de questions climatiques est jugé par les cours et tribunaux.
Au Royaume-Uni, un projet d’extension du plus grand aéroport du pays est ainsi jugé comme illégal car en divergence avec les engagements climatiques.
Aux Pays-Bas, la justice néerlandaise somme l’État d’honorer ses engagements sur le climat en réduisant ses émissions de GES de 25% en 2020.
Laisser un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *