Un ralentissement aux conséquences dangereuses
Dans une étude publiée dans Science Advances et dans la revue Nature, des climatologues confirment l’affaiblissement progressif de la circulation méridienne de retournement atlantique, ou AMOC dans le jargon scientifique. Le public connaît mieux ce système sous l’appellation Gulf Stream.
L’étude évalue la décélération à -15 % depuis le milieu du XXe siècle. Ses scientifiques martèlent qu’un ralentissement pareil n’a jamais été observé depuis 1000 ans.
Au-delà de cette réalité, c’est surtout les prévisions qui sonnent comme une alerte : au regard des tendances actuelles, l’affaiblissement de ce courant de l’Atlantique s’aggravera de 35 à 40 % d’ici la fin du siècle.
Ce phénomène est intimement lié au réchauffement global de la terre et n’a rien d’une bonne nouvelle pour le climat. Le Gulf Stream agit directement sur la régulation de la température dans l’hémisphère nord, sans compter son impact sur le mouvement du phytoplancton et des nutriments à travers l’océan Atlantique.
Si la tendance actuelle se maintient, le climat tempéré de l’Europe sera affecté, tout comme la localisation et le calendrier des moussons africaines. Comment est-ce possible ?
Un courant déterminant sur le climat
Benjamin Franklin fut le premier homme à cartographier le Gulf Stream durant le 18e siècle. Les observations par satellite et les mesures de surface ont permis au fil des années d’en apprendre davantage sur l’AMOC. Ce courant marin non atmosphérique couvre une grande partie de l’Atlantique, depuis la péninsule de Floride et les Bahamas jusqu’aux côtes du Portugal et de Norvège.
Son déplacement fait mouvoir l’eau chaude du Golfe du Mexique jusqu’en Islande et sur la partie ouest du Vieux-Continent. Le transfert de chaleur est énorme, sachant que le courant achemine jusqu’à 100 m3/s d’eau à certains endroits, à une vitesse allant de 6 à 7 km/h.
Une fois arrivée au sud du Groenland, l’eau chaude provenant des mers des Caraïbes se refroidit et gagne en densité. Elle s’enfonce dans les profondeurs de la mer du Groenland, mais ce mécanisme s’enraye sous l’effet du réchauffement climatique.
Les hausses de température dans l’Arctique provoquent la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, sans oublier l’énorme quantité d’eau douce issue de la banquise dans la mer du Labrador et celle de Beaufort.
L’eau douce, moins dense, ralentit fortement le mouvement vers les profondeurs des eaux du Gulf Stream, et c’est tout l’ensemble de la circulation méridienne de retournement atlantique qui marque le pas.
Importante baisse de température en Europe et sécheresses en Afrique
L’affaiblissement du Gulf Stream perturbe le transfert de chaleur depuis les Caraïbes vers l’Europe. Le climat du Vieux-Continent s’en trouvera affecté : le thermomètre pourrait descendre de quelques degrés par rapport aux plus bas actuels.
Xavier Fetweiss, chercheur FNRS à l’U-Liège, prévoit également un ralentissement de la dynamique atmosphérique.
Les blocages anticycloniques risquent de se prolonger, en hiver comme en été.
La côte nord-est des États-Unis et du Canada ne sera pas épargnée par ces hivers plus rudes, durant lesquels les tempêtes seront plus fréquentes. Une montée du niveau de la mer sous l’effet de la fonte des glaces du Groenland et de la calotte polaire est aussi à prévoir.
Le Gulf Stream influe sur le système climatique planétaire. Il est raisonnable de penser que sa décélération n’affectera pas uniquement l’Europe et l’Amérique du Nord. Le changement de répartition de la chaleur dans l’Atlantique va influer sur les moussons africaines, lesquelles se déplaceront plus au sud.
Les sécheresses frapperont encore plus durement la zone qui s’étend de l’Afrique de l’Ouest jusqu’au Sahel. Dans une région déjà vulnérable, ces dérèglements auront des conséquences désastreuses d’un point de vue humain, entre la chute des rendements des cultures, les guerres et les déplacements de population.
Le ralentissement de l’AMOC pourrait aussi accélérer le réchauffement climatique. En plus de tempérer le climat européen, cette circulation d’eau chaude se charge aussi de la ventilation des océans. En effet, le retournement en profondeur des eaux denses conduit le dioxyde de carbone capté par les océans vers les profondeurs marines.
Ce gaz à effet de serre restera en suspens dans l’atmosphère et contribuera à la montée en flèche des températures, avec les conséquences que l’on connaît tous.
Limiter le réchauffement planétaire
L’étude mentionnant le ralentissement du Gulf Stream a été abondamment commentée et analysée par les climatologues. Dans leurs observations, ces scientifiques n’ont pas manqué de faire le rapprochement avec le scénario du film « Le Jour d’Après ». Dans cette œuvre de Rolland Emmerich, la glaciation de tout l’hémisphère nord intervient à la suite d’un arrêt subit du Gulf Stream.
Leurs conclusions devraient-elles nous rassurer ? Le ralentissement du Gulf Stream n’est donc pas aussi inquiétant qu’il paraît et peut être ignoré ? Loin de là ! Cette décélération mérite d’être débattue et expliquée au grand public.
Tout le monde doit comprendre que ce phénomène résulte en grande partie du réchauffement climatique causé par l’activité humaine. Chacun a l’obligation d’agir à son niveau, en privilégiant les énergies vertes et en adoptant un mode de consommation responsable, même si cela implique de sacrifier un peu du confort.
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