De l’énergie grise et des matières recyclables qui partent en fumée
Selon les chiffres de l’ADEME, un résident français produit en moyenne 354 kg d’ordures ménagères par an. Ce calcul ne prend pas en compte les déchets des municipalités, ni les déchets professionnels issus des activités de soin, de l’agriculture, de l’industrie et du BTP.
La gestion de ces déchets est régie par plusieurs textes, dont le Code de l’environnement et la loi anti-gaspillage. Ces cadres réglementaires établissent une hiérarchie claire entre les mesures de traitement des déchets.
En France, chaque année, 30 % des déchets sont incinérés par 127 usines spécialisées.
Les défenseurs de ces installations précisent que les incinérateurs utilisent des combustibles constitués de biomasse à 50 %. Ils insinuent que le carbone émis par ces incinérateurs est à moitié « renouvelable », et doit être considéré comme du carbone biogénique.
Cette argumentation dénuée de toute logique permet aux industriels d’exclure la moitié des émissions carbone des incinérateurs du décompte officiel des émissions globales du pays.
En plus d’être fortement émettrice en CO2, l’incinération brûle inutilement des matières premières encore éligibles au recyclage/compostage, à la réparation et à la réutilisation.
Dans les faits, 9 % seulement des ordures ménagères sont ni réutilisables, ni recyclables et peuvent donc être éliminées par combustion. Ce gaspillage est encore plus scandaleux si l’on considère l’énergie grise des déchets qui alimentent les fours des incinérateurs.
Une filière à intégrer au SEQE (Système d’échanges de quotas d’émissions)
La forte intensité carbone des incinérateurs n’échappe pas aux observateurs. La Commission européenne elle-même exclut cette industrie de sa taxonomie « verte », un registre qui énumère les investissements considérés comme durables et écologiques.
Malgré cette prise de position, l’UE tarde à placer l’incinération de déchets dans le périmètre d’action du Système d’échanges de quotas d’émissions.
Cet ajout présenterait de nombreux avantages, à la fois financiers, sociaux et, surtout, environnementaux. Telles sont les conclusions d’une étude réalisée par le cabinet CE Delft, publiée début octobre.
Ce document de 33 pages explique, chiffres à l’appui, en quoi l’élargissement du SEQE à l’industrie de l’incinération pourrait contribuer à la réduction des déchets ménagers, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et au soutien de la filière recyclage.
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Une réduction substantielle des émissions de GES
D’après l’étude, l’ajout de l’incinération au SEQE réduirait mécaniquement les rejets de CO2 par les entreprises. Les auteurs se sont appuyés sur le modèle suédois. Le pays a inclus unilatéralement ses incinérateurs au marché carbone européen. Cette décision a fait chuter les émissions carbone de l’incinération de 33 000 tonnes/an, soit 75 % de la production totale de l’activité.
Si l’on transpose cette réduction à l’échelle européenne, l’introduction de l’incinération au SEQE permettrait d’éviter 8,8 millions de tonnes d’émissions de CO2 par an. Ce bénéfice environnemental s’ajouterait à une réduction d’une partie des déchets provenant du brûlage et à une diminution substantielle des résidus des fumées de combustion.
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Une réforme bénéfique à l’emploi européen
La transposition des mécanismes du marché carbone aux incinérateurs profiterait aussi au marché de l’emploi. Les déchets destinés à l’incinération seraient transférés en partie vers les activités de recyclage, de compostage et de réemploi.
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Moins de déchets ménagers et professionnels
L’entrée des incinérateurs sur le marché carbone aurait également un effet dissuasif sur les entreprises. Ces dernières pourraient être amenées à réduire de 8 à 25 % leurs déchets pour éviter l’explosion des coûts de l’incinération due aux quotas du SEQE.
Même sans tenir compte de ces arguments, l’élargissement du périmètre du SEQE à l’incinération est d’une logique implacable. Le marché carbone étant régi par le principe du « pollueur-payeur », le secteur de l’incinération entre parfaitement dans ce cadre, puisqu’il génère d’énormes quantités de gaz à effet de serre. La question ne devrait même plus se poser. On souhaite vraiment que le Conseil européen aille dans ce sens lors de l’examen de la révision du marché carbone de l’UE.
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