Des conclusions préliminaires potentiellement biaisées
Après trois années de trêve, la polémique entourant l’approbation du glyphosate dans les pesticides et herbicides en Europe enfle à nouveau. En cause, les premières conclusions rendues par le Groupe d’évaluation du glyphosate (GEG).
Les rapporteurs en sont arrivés à cette conclusion en analysant les dizaines d’études scientifiques que le Glyphosate Renewal Group (GRG) leur a fournies. Ce groupe rassemble les industries chimiques qui demandent la ré homologation du pesticide.
Le rapport du GEG recommande également de ne pas modifier la classification de la molécule. Pourtant dans sa dernière évaluation de 2017, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) considère le glyphosate comme une substance toxique pour la faune aquatique et un produit causant de graves lésions oculaires.
Selon le GEG, il n’existe aujourd’hui aucune preuve justifiant une nouvelle classification du glyphosate comme une substance cancérigène, mutagène et perturbatrice endocrinienne.
Cette affirmation inquiète particulièrement 41 organisations de la société civile, lesquelles ont décidé de se regrouper et de se faire entendre dans une lettre ouverte destinée à la Commission européenne.
Selon les signataires de la lettre, la Commission européenne doit revoir sa procédure de réévaluation du glyphosate et doit s’appuyer uniquement sur des études actualisées et indépendantes, et non sur des recherches potentiellement compromises, à cause d’éventuelles pressions liées à l’activité de leur commanditaire ou d’une méthodologie peu conforme à la logique scientifique.
Une documentation scientifique incomplète
Les préoccupations des 41 ONG reposent sur un faisceau d’indices révélant clairement un manque de rigueur scientifique du Glyphosate Renewal Group lors de l’élaboration de son dossier de demande d’approbation.
Dans sa requête déposée en 2020, le GRG a soumis aux autorités compétentes des États rapporteurs deux listes renvoyant vers 486 études publiées dans un journal scientifique. La première liste présente les études basées sur la toxicité du glyphosate, l’autre document énumère les recherches autour de l’écotoxicité de la substance.
Ce faisant, le GRG semble respecter l’article 8.5 du règlement 1107/2009 de l’Union européenne.
Le règlement précise que les études doivent être récentes, autrement dit publiées dans la décennie précédant la demande d’approbation.
On dénombre au moins 985 publications autour de cette molécule entre 2010 et 2020. Les industriels du GRG n’en ont retenu que 405.
Certains diront que les défenseurs du glyphosate ont simplement suivi les consignes de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) qui autorise l’exclusion d’études non pertinentes d’un dossier de demande d’homologation. Le guide de l’EFSA précise toutefois que cette omission doit être appliquée uniquement si l’impertinence de l’étude est incontestable.
Cette décision montrerait donc que plus de la moitié des études scientifiques sur le glyphosate sont incorrectes. D’un point de vue statistique, la probabilité d’une erreur manifeste dans 580 recherches sur 985 menées par des biologistes, des cancérologues, des médecins et des biochimistes chevronnés est très faible.
On peut aussi douter de la capacité du GRG à vérifier de manière scientifique les résultats de centaines d’études sur le glyphosate sur une période aussi courte. En l’état, les préoccupations des 41 ONG sont plus que fondées : les quatre États rapporteurs ont formulé leur rapport préliminaire à partir d’une documentation scientifique incomplète.
Un manque d’objectivité flagrant
Les signataires de la lettre interrogent aussi la fiabilité scientifique des études présentées par le demandeur.
Seuls 2 d’entre eux sont crédibles d’un point de vue scientifique. Ces erreurs peuvent influencer les résultats des études, au demeurant fournies et financées par l’industrie.
Il y a de fortes chances que ce défaut touche également les autres études sur la mutagénicité et la toxicité du glyphosate.
Ces recherches ont démontré l’existence d’un lien entre une exposition au glyphosate ou à ses dérivés et l’apparition de certaines perturbations hormonales et certains cancers chez l’homme. Ces études impartiales soulignent également le rôle du glyphosate dans certains troubles du développement de nourrissons.
Les 41 ONG s’intéressent en particulier aux recherches conduites par l’Institut Ramazzini, qui constituent à l’heure actuelle l’étude la plus complète et la plus fiable sur les effets indésirables du glyphosate sur la santé.
Évidemment, cette publication manque au dossier du GRG, pour une raison évidente, selon la Dr. Angeliki Lyssimachou, spécialiste de l’environnement membre de l’ONG HEAL (Health and Environment Alliance).
Le contenu de ce rapport pourrait faire changer d’avis les régulateurs européens. À condition, bien sûr, qu’ils incluent cette étude mondiale dans leur procédure d’évaluation.
La Commission européenne a justement le pouvoir de solliciter des études complémentaires lorsque la littérature scientifique proposée par un demandeur montre des résultats contradictoires ou suscite un grand nombre de critiques.
Dans leur lettre, les ONG rappellent à la Commission son obligation d’impartialité, d’objectivité et de transparence dans la conduite de la réévaluation de la licence du glyphosate. L’appel de ces organisations aura certainement plus de poids si les citoyens, la communauté scientifique, les responsables politiques et les militants se joignent au mouvement.
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