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De la ferme à la table : la nouvelle stratégie alimentaire de l’UE

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Alimentation

De la ferme à la table : la nouvelle stratégie alimentaire de l’UE

Par la rédaction

Le 04/11/2021 et modifié le 04/11/2021

Farm to Fork » : la nouvelle stratégie alimentaire plus équitable et écologique de l’UE

Malgré un lobbying intense des industriels de l’agriculture conventionnelle, la stratégie « De la ferme à la fourchette » a obtenu l’approbation du Parlement européen. Ce vote ouvre la voie à une possible transposition de cette vision dans des textes législatifs contraignants, qui constitueront le futur cadre de la politique agricole européenne.

Qu’implique réellement cette stratégie ? De quoi s’agit-il ?

 

Verdir le système agroalimentaire européen

La stratégie « De la ferme à la fourchette » ou F2F, également appelée « De la ferme à la table », est une des principales composantes du  Pacte vert européen, la feuille de route qui devrait conduire l’Europe jusqu’à la neutralité carbone d’ici 2050

Ce Green Deal d’un nouveau genre comporte plusieurs mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre des principales activités économiques de l’UE, dont la sidérurgie, la production d’énergie, l’habitat, la mobilité et donc, l’agriculture.

La stratégie reconnaît la forte contribution du système alimentaire européen dans les émissions de carbone mondial. 

Selon le rapport du GIEC, l’industrie alimentaire, de la production jusqu’au consommateur, génère un tiers des émissions de GES mondiales. 

En plus de sa forte intensité carbone, le modèle alimentaire actuel se révèle inégalitaire : 

30 % des Européens peinent à s’offrir des repas de qualité un jour sur deux en 2019, tandis que 50 % des adultes vivant sur le Vieux Continent sont en surpoids.

La stratégie « De la ferme à la fourchette » cherche à réparer ces failles du système alimentaire européen, en réduisant son empreinte environnementale et en limitant son poids dans les inégalités sociales en Europe. Le modèle agricole prôné par cette stratégie vise aussi à fournir des aliments sains et abordables à toute la population européenne.

 

Promouvoir l’agriculture biologique

Afin de réduire l’intensité carbone et les impacts négatifs de l’agriculture sur la biodiversité, la stratégie « Farm-to-Fork » ambitionne d’étendre la production biologique à 25 % des surfaces cultivables en Europe d’ici 2030

La stratégie demande aux États européens d’élaborer des plans nationaux permettant d’atteindre cet objectif prioritaire. Le document précise toutefois que les interventions et les objectifs doivent prendre en compte les particularités territoriales et culturelles des pays, ainsi que leur situation économique et financière.

Dans tous les cas, les États membres sont appelés à activer différents leviers, pour stimuler à la fois l’offre et la demande de produits bio. 

Cela inclut les campagnes de promotion à grande échelle, l’ouverture de marchés publics dédiés aux produits écologiques, les services de conseil et les investissements dans les entreprises œuvrant dans l’agriculture bio (AB), la permaculture et tout autre modèle agricole à l’opposé de l’agriculture intensive. La stratégie F2F estime qu’une stimulation de la demande et de l’offre permet de :

  • Garantir la rentabilité de la filière biologique.
  • Créer des emplois en amont et en aval de l’agriculture bio.
  • Assurer la durabilité de l’agriculture européenne.

La stratégie « De la Ferme à la Fourchette » suggère que les mesures de soutien à l’AB soient intégrées aux déclinaisons nationales de la Politique agricole commune (PAC).

 

Réduire l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques

L’augmentation de la part des surfaces cultivées en bio va de pair avec une réduction drastique de l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques

La stratégie F2F souhaite abaisser de moitié le recours aux pesticides d’ici 2030. 

Quant aux engrais, leur utilisation devrait être 20 % moins importante qu’aujourd’hui. Cet objectif ambitieux concerne plusieurs produits agricoles européens, en particulier ceux qui font l’objet de monocultures intensives.

Afin d’accompagner cette transition, la Commission européenne préconise la mise en œuvre de mesures concrètes au niveau national et européen. En voici quelques-unes :

  • Modifier la directive européenne sur les pesticides compatibles avec l’agriculture durable (2009/128/CE du 21 octobre 2009).
  • Promouvoir des solutions de remplacement plus sûres pour mieux protéger les cultures.
  • Renforcer les dispositions relatives à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures.
  • Simplifier les démarches de mise sur marché des pesticides à base de substances actives biologiques.
  • Améliorer la transparence des données sur les effets environnementaux et sanitaires des pesticides.

 

Une réforme décriée par le lobby agro-industriel

Les mesures indiquées dans la stratégie « Farm-to-Fork » de la Commission européenne sont très ambitieuses et louables. Pourtant, elles essuient de vives critiques dès leur publication en mai 2020. En cause, plusieurs rapports, financés par des entreprises ayant des intérêts dans l’agriculture intensive, ont alerté sur les conséquences désastreuses de cette réforme sur l’indépendance alimentaire de l’Europe.

L’étude la plus retentissante a été menée par l’Université de Kiel, sur demande du Grain Club allemand. En se servant du modèle européen CAPRI, les chercheurs de l’université allemande anticipent une baisse de 16 % de la production agricole européenne (en volume). Les oléagineux (-20%) et les céréales (-21,4 %) seront particulièrement touchés.

Selon leurs projections, le prix des viandes et du lait s’envoleront, entraînant une explosion de la marge brute dans la production animale.

En revanche, la baisse des marges en production végétale obligerait l’Europe à importer davantage de denrées alimentaires, ce qui nuirait à sa balance commerciale agricole. Cette dernière passera au rouge, à -51 Mt contre +5 Mt aujourd’hui. L’étude reconnaît que les émissions de GES diminueront de 109 Mt CO2eq.

Néanmoins, cette baisse des GES serait en partie annulée par les fuites de carbone consécutives aux importations massives provenant de pays qui appliquent des normes environnementales moins strictes. 

Les changements d’affectation des terres généreraient d’ailleurs 50 MtCO2eq d’émissions en plus. Finalement, le gain réel en termes d’empreinte carbone serait de -5 Mt CO2eq seulement.

 

Une réforme dépendante de la mobilisation citoyenne

Les défenseurs de la stratégie « De la ferme à la fourchette » ne contestent pas les chiffres évoqués par les différentes études d’impact des universités et chercheurs soutenus par les lobbyistes de l’agro-industrie. En revanche, ils doutent de l’impartialité de leur conclusion et de la pertinence de leur prévision. 

Les modèles retenus par ces recherches ignorent tous les changements de comportements alimentaires de plus en plus visibles en Europe et dans d’autres régions du globe. Or, ces transformations constituent la base même de la stratégie F2F.

Cette réforme insiste sur la nécessité de convertir les pratiques de production ET les habitudes de consommation des citoyens, lesquels doivent réduire le gaspillage alimentaire et changer leurs modes d’approvisionnement. Ces changements ont déjà commencé,  grâce à la montée en puissance des achats en circuit court et des marques qui privilégient les produits locaux et bio.

 

Circuit court

 

Et cette tendance s’installera probablement dans la durée. 

D’après un sondage effectué par « The Consumer Voice » en 2020, deux tiers des Européens se disent prêts à modifier leurs habitudes alimentaires pour préserver l’environnement. 

La stratégie « Farm-to-Fork » leur offre justement l’occasion de transformer ces belles paroles en actes concrets.

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