Avancer vers l'électrique… mais à quel prix ?
En 2019, Stellantis (Peugeot, Citroën…), Toyota et Renault ont produit 2,2 millions de véhicules dans leurs usines basées en France. Ce volume inclut toutes les voitures, essence, diesel, hybrides rechargeables, 100 % électriques, GPL ou hydrogène.
La filière automobile tricolore assure au moins 2 200 000 emplois, dans les métiers de production, chez les équipementiers, la réparation, le contrôle technique et dans la distribution, entre autres.
Cette activité représente environ 8 % de la population active française en 2018. Ces données résonnent fortement chez les dirigeants politiques et les principaux décisionnaires du secteur automobile, en pleine réflexion sur l’avenir de cette filière en France.
Réunis à Paris fin octobre, les acteurs de l’industrie automobile ont discuté des enjeux et des défis de la transition énergétique. Avant et pendant cette journée, un consensus s’est formé pour défendre la production de véhicules hybrides au-delà de 2035. À la différence des versions 100 % électriques, ces véhicules émettent du CO2, mais en faible proportion et dépendent encore des énergies fossiles.
La demande des constructeurs repose sur une logique à la fois financière et sociale. Le gouvernement s’est déjà engagé aux côtés de la filière auto sur cette question. En juillet, l’Élysée affirmait que les hybrides rechargeables sont une bonne solution de transition, qui permet aux équipementiers et aux constructeurs d’amorcer en douceur l’électrification de leurs modèles.
Cette vision convainc peu les associations écologistes. À la fondation Nicolas Hulot, l’insistance de la filière auto et de l’État à conserver les hybrides paraît illogique. Marie Chéron, responsable mobilité de l’organisation, doute de l’impact de cette prolongation sur l’emploi automobile.
Cette trajectoire n’empêchera pas les réductions d’effectifs rendues inévitables par la transition écologique de la filière.
Luc Chatel, président de la PFA porte ce chiffre à 100 000 emplois, si le secteur automobile français poursuit son déclin. La filière auto française n’est pas encore prête à payer ce prix, d’où sa décision en faveur de la continuité des véhicules hybrides.
Retour à la compétitivité de l’industrie auto
Pour Luc Chatel, la transition énergétique de la filière auto passe obligatoirement par un retour à la compétitivité de l’industrie. D’autres acteurs du secteur partagent ce point de vue, à l’image de Claude Cham, qui appelle ses pairs à reconquérir l’aura de l’automobile française.
Le président de la Fédération des équipementiers estime que l’instabilité fiscale du pays et le coût du travail pénalisent la compétitivité de l’auto « made in France ». Selon lui, les pouvoirs politiques ont le devoir de solutionner ces problèmes, pour le bien de l’industrie tricolore et de sa transition énergétique.
Le président de la PFA, lui, se concentre sur la partie technique et industrielle de l’électrification. Luc Chatel pointe l’effet destructeur des délocalisations massives, pratiquées par les constructeurs et par les sous-traitants depuis des années. Même les fournisseurs clés, comme les fonderies, ont choisi cette voie. Aujourd’hui, sous l’effet de la crise sanitaire et de l’électrification de la filière auto, ces entreprises risquent plus que jamais de fermer.
Le seul remède à ce désastre serait de relocaliser toute la chaîne de production en France. Renault a déjà montré la voie aux autres acteurs, en annonçant la construction de deux usines géantes de batteries à Douai. Stellantis nourrit la même ambition, avec son projet de gigafactory à Douvrin.
Selon Luc Chatel, l’arrivée de ces méga-usines prouve que l’attractivité de la France est toujours présente. L’exécutif et les industriels pourraient se servir de ce levier pour faire briller de nouveau la filière auto française à travers le monde. La reconquête s’annonce difficile, mais pas impossible.
L’annonce des deux grandes usines de batteries dans le Nord montre la voie à suivre à tous les acteurs de l’industrie : les carrossiers, les motoristes, les fonderies, les fabricants électriques et tous les autres équipementiers.
Une transition dépendante des aides publiques
Sur les 17 milliards d’euros annuels nécessaires à la transformation de l’industrie automobile française, 70 % des investissements seraient assurés par les industriels eux-mêmes. Les 30 % restant reposent sur le soutien public. Ce coup de pouce ne prend pas obligatoirement la forme de nouvelles réductions d’impôts, qui auraient des répercussions sur les finances publiques et sur le modèle social de la France. La PFA suggère d’autres alternatives, comme l’instauration de zones franches, par exemple.
L’exécutif peut influer directement sur les politiques d’investissement, les aides publiques et les évolutions réglementaires accompagnant le virage vers le tout électrique.
Après tout, l’objectif des 2 millions de voitures électriques et hybrides (par an) fabriquées en France n’a pas été fixé par les constructeurs. Le président lui-même a dessiné cette cible dans son plan « France 2030 », un programme global sur la réindustrialisation du pays d’ici la fin de la décennie. Dans cette stratégie, Emmanuel Macron promet 2 milliards d’euros de soutien public à l’industrie automobile.
Laisser un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *