Un second opus concentré sur les vulnérabilités
Ces dernières années, la multiplication et l'aggravation des catastrophes « naturelles » alarment les scientifiques. Selon eux, ces phénomènes sont intrinsèquement liés au réchauffement climatique. Une dégradation des conditions de température dans l'atmosphère provoquerait inévitablement une intensification de ces phénomènes destructeurs. Les rapporteurs du GIEC estiment donc que les populations exposées à ces catastrophes deviendront plus nombreuses.
Les résidents des États insulaires, comme le Tuvalu, les Maldives et les îles Tonga, sont particulièrement exposés, en raison des risques élevés inhérents à la montée des océans et des cyclones tropicaux, entre autres.
Le GIEC identifie d'autres zones en proie aux changements climatiques : une grande partie de l'Afrique subsaharienne (sécheresse, inondations, tempêtes, etc.) en fait partie. Plusieurs territoires d'Amérique centrale et du sud, des pays en Asie du Sud et la région Arctique sont aussi concernés.
Les écosystèmes de ces régions ont de grandes chances d'être touchés par les phénomènes climatiques et de subir des conséquences parfois irréversibles. Ce risque affecte également l'humain, et ce, dans des proportions dépendant de plusieurs paramètres comme l'éducation, les capacités de gouvernance des dirigeants locaux, la fiabilité des institutions, l'accès aux services de base et le niveau de pauvreté.
Ces paramètres – souvent interdépendants – font que les populations des pays d'Afrique subsaharienne et des États insulaires en développement souffrent et souffriront davantage des effets néfastes du changement climatique, par rapport aux citoyens européens situés dans les zones à risques du pourtour méditerranéen, par exemple.
De la nécessité d'établir une justice et une équité climatique
Souvent, les plus marginalisés endurent une grande partie des difficultés causées par le réchauffement planétaire. Ce paradoxe exacerbe les inégalités entre les pays et les populations du Nord, d'un côté, et ceux des États en développement du Sud, de l'autre.
Les auteurs du document précisent que les communautés locales, les populations autochtones et les femmes sont les plus exposées aux bouleversements provoqués par le changement climatique, en tête desquels figure l'insécurité alimentaire. Sur ce point, la colonisation, la discrimination et la dépossession des terres constituent autant de facteurs aggravants qui pèsent sur les capacités de résilience et d'adaptation des populations marginalisées.
Les sociétés humaines doivent dès lors affronter un défi énorme : réduire les inégalités afin d'accroître les chances de survie des populations face au dérèglement climatique.
C'est par exemple le cas des voitures électriques. En Europe, en Asie et en Amérique du Nord, les politiques mettent en place des lois et des dispositifs d'incitation qui soutiennent le déploiement de ces modèles 100 % électriques.
Or, ces réponses ne règlent pas vraiment les problèmes de fond du changement climatique. En plus d'être coûteux, ce moyen de déplacement impulse une dynamique bénéfique à l'industrie extractive, mais peu profitable pour l'environnement. L'exploitation des terres rares et des ressources minérales des pays en développement s'intensifie, souvent au prix d'une destruction d'écosystèmes protégés et essentiels à l'équilibre écologique local.
Pour le GIEC, les solutions apportées au changement climatique doivent rétablir une justice climatique reposant sur trois principes clés :
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La justice procédurale
Toutes les populations et communautés concernées par le réchauffement planétaire méritent de participer à l'élaboration des solutions pour réduire les vulnérabilités et ralentir le changement climatique. Jusqu'ici, les personnes les plus exposées sont peu représentées à la table des négociations.
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La reconnaissance
Ce principe implique une considération équitable et sans distinction de toutes les perspectives et de toutes les cultures. Le savoir-faire ancestral et la sagesse séculaire des peuples indigènes doivent être valorisés au même titre que les enjeux sociaux et financiers de la lutte contre le réchauffement climatique.
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La justice distributive
La notion de justice climatique est incomplète sans une juste répartition des avantages et des charges entre les nations, les générations et les individus. Sur cet aspect, le GIEC souligne le rôle clé des grandes puissances financières, qui sont également les plus grands pollueurs et les responsables historiques des dérèglements climatiques.
D'après leurs estimations, les besoins de financement des pays du Sud atteindront 127 milliards d'ici 2030 et 295 milliards de dollars en 2050.
Des risques et des dommages irréversibles
Dans ses précédents rapports d'évaluation, le GIEC a toujours mis en avant la gravité et l'imminence des conséquences désastreuses du réchauffement climatique. Le second chapitre du sixième rapport change de ton. Les experts de l'ONU affirment désormais que les détériorations inévitables consécutives au changement climatique se conjuguent déjà au présent.
Ces dégâts sont visibles dans plusieurs régions du monde. Les feux de forêt dévastateurs se répètent plus que de raison dans l'Ouest américain et en Europe. Les inondations, les vagues de chaleur et les sécheresses se multiplient de façon irrémédiable, affectant le bien-être et la vie de millions d'habitants en Afrique, en Asie du Sud et ailleurs.
Même si les dirigeants mondiaux trouvent un moyen de limiter le réchauffement de la Terre à + 1,5 °C en 2050, certains dommages seront impossibles à éviter.
Au-delà de 1,5°C, chaque dixième de degré de réchauffement entraînera une multiplication inévitable des dangers. Ces risques ne menacent pas seulement les populations humaines. Les écosystèmes terrestres, marins et aquatiques encourent également de fortes dégradations dramatiques.
Au total, le second opus du rapport du GIEC liste 127 risques plus ou moins graves qui pèsent sur l'Homme et sur la Terre si les températures mondiales continuent d'augmenter. L'accélération de la fonte des glaciers, l'empoisonnement des sols et la paupérisation d'un plus grand nombre d'habitants en font partie.
Des prévisions dramatiques…
Parmi les projections alarmantes du GIEC, certains chiffres font frémir :
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30 000 morts par an en Europe
Sur le continent européen, au moins 30 000 personnes mourront chaque année, d'ici à 2050, sous l'effet des épisodes de canicules extrêmes. Cette estimation repose sur une trajectoire de réchauffement à + 1,5°C. Si les températures montent de 3°C, le nombre de victimes devrait tripler durant cette même période.
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8 % de terres cultivables en moins
Au rythme actuel, 8 % des terres arables deviendront infertiles d'ici 2100. Cette diminution représente un énorme manque à gagner pour la production alimentaire mondiale. On imagine assez facilement les tensions générées par cette compression sur la sécurité alimentaire des populations.
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10 000 milliards de dollars d'infrastructures menacées
Les fortes tempêtes et autres catastrophes météorologiques en lien avec le réchauffement climatique impactent énormément l'intégrité des infrastructures dans les zones côtières. Selon les scientifiques du GIEC, ces phénomènes provoqueront au moins une inondation exceptionnelle tous les 100 ans, si les températures augmentent.
Ces crues inhabituelles sont suffisamment puissantes pour représenter une menace sérieuse sur les infrastructures localisées près du littoral. En tout, la valeur des infrastructures vulnérables s'élève à 10 000 milliards de dollars.
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1 milliard d'habitants en zones inondables
Au-delà des infrastructures, ce sont plus de 1 milliard de personnes qui vivent dans des régions vulnérables aux inondations et à la montée des eaux. Pour optimiser la résilience et l'adaptabilité des populations, le GIEC invite les leaders politiques et les décideurs financiers et techniques à repenser la ville de demain. Les centres urbains du futur doivent être organisés de manière à faciliter l'évacuation des eaux de pluie, limiter les îlots de chaleur et émettre beaucoup moins de gaz à effet de serre.
… masquées par le silence des médias et des politiques
Comme les précédentes publications du GIEC, le second chapitre de l'AR6 décrit avec véhémence et concision l'ampleur de la crise climatique qui guette le monde dans un avenir proche.
En France, quelques quotidiens ont consacré des dossiers entiers sur le document, à l'image de Médiapart, de Libération ou Le Monde. En revanche, les chaînes de télévision ont été plus discrètes. Pire, la plus grande chaîne privée de France a tout simplement omis de relayer l'existence du rapport.
Du côté des politiques, le sujet suscite peu de réactions. En plein battage médiatique pré-électoral, seuls quatre candidats à la présidentielle évoquent le rapport du GIEC, et le président sortant, également candidat, ne figure pas dans le lot. Face à ce déni de masse, on ne peut s'empêcher de faire un parallèle entre la situation actuelle et les faits fictifs relatés dans le film « Don't look up ». L'actualité chargée de ces dernières semaines, marquée par la guerre en Ukraine et la crise énergétique, ne justifie pas le silence des médias, ni des politiques.
Par ailleurs, le détachement coupable de la presse et des politiques ne concerne pas uniquement la France. En Europe comme dans le reste du monde, le compte-rendu du GIEC n'a pas eu la même résonance que le premier chapitre publié en août dernier.
Selon lui, la dernière publication du GIEC sonne comme une « alerte rouge », un appel adressé au monde entier. Son contenu se veut clair et net : l'action contre le réchauffement planétaire doit gagner en vitesse et en intensité.
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